Mon Village

Si vous saviez comme je l’aime mon village, comme je suis fier de compter parmi ses habitants, comme je redoute que la vie moderne ne lui fasse perdre petit à petit tout ce qui fait son charme. Oh ! ce n’est pas un de ces lieux prestigieux qu’une publicité tapageuse signale dans les guides touristiques, à l’attention des visiteurs venus parfois du bout du monde. Pas de constructions remarquables, de monuments historiques rappelant des événements que commente le délégué du syndicat d’initiative. Pas non plus de ces festivals qui fleurissent de nos jours. Non, seulement un parc perpétuant le souvenir d’une lointaine bataille honorablement perdue lors des derniers jours de ce qui fut un glorieux empire. Son église dédiée à Saint François d’Assise ne procède ni de l’art roman, ni du gothique flamboyant, elle date de 1875. Tout à côté, l’école de la troisième République avec ses deux monuments aux morts, et plus bas deux institutions religieuses  dont la plus prestigieuse peut s’enorgueillir d’avoir lancé vers le succès quelques personnalités connues, d’hier et d’aujourd’hui. Des cafés et restaurants, lieux de convivialité, et surtout, des commerces. Si de nos jours, nos concitoyens n’éprouvent aucune difficulté tant pour mettre leur argent à la banque que pour louer ou acheter appartement et maison, les activités commerciales s’exercent toujours dans tous les domaines. Une jolie place avec son kiosque monoptère sur laquelle on trouve une autre école, le siège du Cercle Laïque, le Foyer des Anciens et le terrain de boules. Madame le Maire y reçoit ses administrés dans une des deux maisons de quartier qui accueillent les associations ludiques, culturelles ou sportives. D’aucuns caressent le projet de voir y venir un marché hebdomadaire de plein vent qui fixerait une clientèle certainement ravie d’effectuer certains achats sur place.

C’est en effet le problème numéro un de mon village de continuer à exister en tant que tel. Téléphone portable, Internet, radio, nous baignons dans la communication et dans son support électromagnétique. Communiquons mieux pour autant ? Non ! et ce ne sont pas les brèves conversations dans une allée de supermarché, ou le « Tchat sur la toile » qui peuvent remplacer les rencontres quotidiennes chez les commerçants du village.

« Autres temps, autres mœurs » dites-vous ? Oui, sans doute. Je réponds « L’excès en tout est un défaut ». Plus qu’une longue dissertation sur le sujet, je vous engage à méditer  sur ce petit poème, œuvre d’un auteur anonyme que j’aurais eu plaisir à rencontrer, tant ses alexandrins sont classiques et son analyse pertinente. De nos jours, la consommation dans tous ses domaines absorbe la majorité des budgets. Pourquoi ne pas consacrer quelques euros à la pérennité de mon village qui est aussi le vôtre !

Le bon Alphonse Allais a dit : « On devrait bâtir les villes à la campagne, l’air y est plus pur ». Et bien mon village, il se nomme : Bonhoure, Guilheméry, Moscou.

Louis BERGE, «Tous ensemble» n° 6 février 2008